Intra ceques

par **philipos** Mer 11 Avr - 15:06

Bientôt 5 cycles que je me suis échoué sur ce désert rouge. Ou 5 cycles d'emprisonnement si l'on en croit les derniers rebondissements... Toujours est il qu'en parallèle cela faisait aussi 3 ans solaires qu'à chaque jour du Vautour je nourrissais mon nahual en faisant couler l'eau précieuse par le biais d'épines d'agave.
Oh, j'avais bien sur raté certaines occasions soit par manque de ces rares épines soit par ma présence dans le caisson de stase. Mais l'un dans l'autre j'en avais manquée bien peu et si ma fiche de "colon" indiquait que j'étais un Maitre des scarifications et de la douleur, prêtre de l′Agave, c'est que j'avais sacrifié au rituel à bon nombre de période.

D'ailleurs ce n'était pas en vain puisque j'avais eu la preuve que mon nahual appréciait le geste quand il était venu me voir en rêve pour me signifier que j'étais un guerrier Aigle et que je devais me rendre à Chicomoztoc.
A l'époque ce fut un choc. C'est une chose de comprendre la notion de double ésotérique mais s'en est une autre de parler avec un toucan ou un hibou en rêve pour apprendre que nous avons une "voie" et qu'il faut la suivre si l'on veut rester en harmonie avec soi même sur le plan physique comme éthéré.

Mais depuis ce jour, pas de contact et il était difficile de dire si c'était bon ou mauvais signe. J'avais beau avoir le sentiment de faire ce que je devais en arpentant la rouge à la recherche d'indices, d'endroits ou personnes perdus ainsi que travailler sur des cartes, je n'avais pas la certitude d'agir pleinement en guerrier Aigle, même si je faisais tout pour.
Du moins, jusqu'à la nuit dernière....

Un sommeil réparateur m'engloutissait peu à peu quand je me vis à ma table de travail. Table encombrée d'objets divers, de bouts de métal aplatis et gravés, le papier étant une denrée rare, et quelques rouleaux provenant du bunker syndical. Un léger bruit attira mon regard à ma droite et je vis un hibou juché sur le rebord du dossier d'une chaise de bar rafistolée qui témoignait de mes débuts d'artisan. C'était bien LUI, je le reconnaissais sans peine par ce lien intime qui nous unissait et cette espèce de sourire un brin narquois que je devinais sur son bec de rapace nocturne. J'allais parler quand il me prit de court:

- Ainsi donc tu n'as pas quitté ta route et c'est une bonne chose. Néanmoins tu sembles avoir perdu de vue quelque chose d'important.

Là dessus il sauta sur ma table sans même ouvrir ses ailes puis donna des coups de becs précis sur le clavier de mon terminal syndical. Un dossier s'afficha, que je reconnus immédiatement même si cela faisait plus d'un an que je ne l'avait plus ouvert.

- Tu arpentes la rouge, tu cherches des réponses et c'est bien. Mais n'oublie pas que le guerrier Aigle que tu es est un éclaireur et un éclaireur ne fait pas qu'aller voir ce qui se trouve de l'autre coté de la dune. Il doit reconnaître le terrain pour que les autres, plus nombreux, puissent y aller aussi sans danger. Il te faut ouvrir la route, ou les routes dans le cas présent.
Cela fait deux cycles que tu as compris que ton univers comprenait des ceques, même si tu n'as pas toute les réponses à ce sujet. Et cela fait autant de temps que tu avais commencé à dresser des cartes où des ceques rayonnent. Trois cartes ce sont deux de trop, ne crois tu pas qu'il serait temps qu'un guerrier Aigle ouvre des routes et permette aux autres d'arpenter les ceques plus facilement ? Attèle toi à la tâche qui est la tienne.

Je me sentais comme un garçonnet pris en faute quand mon nahual eut fini sa tirade. Bien sur que les ceques étaient un projet important pour ouvrir des routes principales et que même si j'avais réussi à rassembler de nombreuses preuves sur l'existence et l'utilisation des ceques par nos employeurs (geoliers ?) et tracé 3 cartes plausibles, ce projet était resté à l'abandon bien trop longtemps.
Avec un regard neuf je regardais alors ces cartes et la 1ere était trop nombriliste par rapport à Mars pour être correcte. Il en restait donc deux qu'il allait falloir peaufiner et travailler longuement en y ajoutant tout ce qui avait pu être découvert depuis.

Le hibou reprit sa place sur le dossier de la chaise et après avoir remis une rémige en place me dit:
- Bon courage pour la suite des tes travaux. Ils seront longs, fastidieux et difficiles. Tu ne pourras aller au bout seul et il te faudra savoir t'entourer. Mais nul doute que tes futures découvertes t'empliront de satisfaction et que tu t'approcheras de l'harmonie avec le sept.
D'ici là, continue à penser à moi car je ne suis rien sans toi comme tu n'es pas toi sans moi.

Je me réveillais sereinement et le coeur léger, conscient qu'un travail énorme m'attendait pour les prochaines périodes.